mercredi 12 juin 2013

Tourisme musical : City and Colour au Café de la Danse

City and Colour (+ Twin Forks)
 Café de la Danse, Paris 7 juin 2013


Temporairement Parisien, je suis allé voir City and Colour au Café de la Danse, dans le 11e. Après avoir lutté courageusement sur mon velo’v, pardon, mon vélib’, contre la circulation parisienne pendant une bonne demi-heure, j’arrive enfin place de la Bastille vers 19h30. Je n’ai pas encore trouvé la salle que j’ai déjà chaud … et j’étais loin d’avoir eu ma dernière goutte de transpiration, loin de là. 


Dallas Green de City and Colour (jeu de mot !) DR

Je me présente devant l’entrée de la salle. Je fais la queue patiemment comme tout le monde, et première observation : le public est d’âge variable (18-30 ans). A priori, les extravagances musicales, ce n’est pas pour ce soir. Ah oui, j’oubliais. Je dois bien vous avouer que j’ignorais l’existence de City and Colour trois jours avant de me rendre au concert. Voilà, c’est dit. Même si j’ai eu le temps d’écouter la plupart des morceaux, c’est en néophyte absolu que je m’en vais vous commenter la qualité de ce concert.
Une fois mon billet retiré auprès de la charmante demoiselle de l’accueil, je découvre cette très jolie salle du Café de la Danse. Pierres apparentes derrière la scène, bar sur la droite au-dessus des sièges. Vraiment un endroit très sympa. Oui, au cas où vous n’auriez pas compris, je suis un touriste, un vrai ! Du genre à s’émerveiller pour un rien. Bref.

Tonus floridien

Assis en hauteur, histoire d’avoir une vue d’ensemble, je pense déjà à la bière fraîche qui aura le mérite de m’hydrater après le passage de Twin Forks. Les Américains arrivent sur scène. Chemise fermée jusqu’au dernier bouton (un fou !), Chris Carraba (chant, guitare), salue la foule en délire et enchaine tout de suite sur une petite blague. Les gens rigolent un peu, l’ambiance s’installe, ça devrait bien se passer.
Twin Forks (DR)
Dans un genre folk moderne et classique à la fois, Twin Forks enchaine les morceaux qui ont le mérite de dérider le public. Remarque, ils sont là pour ça … C’est joyeux, le chanteur communique avec son public et fait même chavirer le cœur des jeunes filles en retirant sa chemise sous lequel ce sacripant avait caché un t-shirt. Quel filou. Globalement, la musique est bonne. Joyeuse, entrainante, I Saw The Light d’Hank Williams, un ponte de la country US. Sans être révolutionnaire (et il ne le prétend pas), Twin Forks a eu le mérite en une grosse demi-heure de chauffer (au sens propre comme figuré) la salle et de préparer dignement l’arrivée sur scène de City and Colour. Tout content, je fonce vers le bar pour ressourcer mon corps en sels minéraux comme ils disent à la télé. J’ai donc pris une bière.

Calme canadien

Le temps de regarder attentivement les jolis clichés exposés sur les murs du Café de la Danse, Dallas Green et sa petite bande se pointent sur scène vers 21 heures. Le public est content mais le Canadien fait son timide et ne décroche pas un mot avant de jouer. C’est quand même dommage ce manque de communication. Green commence par une machine infernale faite pour emballer votre rencard du soir. C’est beau, c’est posé, et la petite bande enchaine vite le second morceau que le chanteur conclue par un timide « Thank You ». Vraiment ces Ontariens, ils savent pas dire « merci » ? Arrive ensuite le plus rythmé The Great Optimist, et le très blues As Much As I Ever Could après lequel le chanteur lâche trois petites phrases. C’est beau le partage.
Harassé par la chaleur, Dallas Green est forcé de quitter ses lunettes embuées même si, selon ses dires, il ne voit plus rien sans. Le dur métier d’artiste ! Au bout du sixième titre, le reste du groupe quitte la scène désormais occupée par Green et sa guitare. Seul avec son public, le chanteur se fend enfin d’une petite blague au dépend de la Californienne présente dans la salle avant la chanson Golden State. Un vrai pince-sans-rire.

Un groupe rodé

En vrai, il avait pas de chapeau. (DR)
Niveau son, on note quelques pointes d’effets Larsen pas méchants, mais dans l’ensemble la qualité est là. Même si ce n’est pas vraiment mon style préféré, je dois avouer que la performance de City and Colour est vraiment bonne. On n’est vraiment pas dans la catégorie « bêtes de scène », mais ça reste beau à écouter. C’est propre, net et sans bavure. Pourtant, une petite tâche a toujours tendance à rendre l’ensemble plus vivant et surtout, plus humain. En effet, City and Colour fait parti de ses groupes dont le style impose une absence de jeu scénique. Alors oui, c’est beau mais à moins d’être un grand fan, on peut trouver le concert un poil long surtout lorsqu’on subit (assis ou debout immobile) les premières chaleurs de l’année après un printemps glacial. Les fans ont chaud mais la prestation de leur idole a le mérite de leur faire oublier la canicule dans la salle.

Au bout d’une grosse heure et demi, la groupe quitte la scène. C’est l’heure du rappel. Dallas Green revient seul avec sa guitare et son harmonica. Enfin ! Un joueur folk digne de son nom se doit de jouer de l’harmonica. L’honneur est sauf grâce à « Body In A Box ». Puis, le tout est achevé par The Girl avec le retour de ses compères sur scène.

22 heures 40, un petit « thank you » et ciao

A l’image du concert : sobre, net, efficace.

vendredi 7 juin 2013

Playsound : Daft Punk, Fauve, Eddie Cochran, Jeff Hanneman

Nouveau mois, nouveau Playsound !
Ce mois-ci, l'équipe de PS vous propose une glorieuse chronique du dernier Daft Punk, un magnifique Live Report de Billy Talent ou encore une saillante analyse des biopics présentés cette année à Cannes. Pour ma part, j'ai modestement contribué à la tâche en revenant sur les carrières du jeune prodige Eddie Cochran (1938-1960), et du guitariste de Slayer, Jeff Hanneman, récemment décédé. Oui c'est un peu morbide tout ça ...

http://www.playsound.fr/magazine/


Ils ont fait l'histoire du rock : Eddie Cochran 

Il n'avait que 21 ans mais il était pétri de talent. Il n'a fait qu'un album mais il a participé à la création du rock'n'roll. Il est peu connu de nos jours, mais il est encore une référence des pontes du rock actuel. Qui ? Eddie Cochran. Retour sur la vie d'un prodige mort trop jeune.
la classe
 Eddie Cochran avait tout pour lui à 17 ans : le tal­ent, la voix, la technique et le charisme. En 1955, il enregistre plusieurs titres comme membre des « Cochran Brothers ». Il collabore alors avec Hank Cochran, un homonyme au look semblable au sien. Il était alors plus jeune qu'un certain Elvis Presley (1935-1977) dont le premier album sortira « seulement » en 1956. Mais si le « King » est de­venu un des créateurs officiel du rock'n'roll avec Little Richards et Chuck Berry, Eddie Cochran en est seulement un membre officieux. Tout comme Billy Preston était le cinquième Beatles, Cochran est la part d'ombre de la création du rock'n'roll et du rockabilly. Il aurait dû se payer une place au soleil mais l'aventure pris fin tragiquement en 1960, à 21 ans (1938-1960).
Désormais, l'éternel jeune homme n'est plus vraiment connu du grand public à cause de sa courte – mais dense – carrière. En seulement 5 ans, il a créé les bases d'un rock ayant influ­encé les grandes stars des années 1960 : The Beatles, The Rolling Stones ou encore Johnny Cash aux États-Unis. 
 
Twenty Flight Rock

Tout commence en Californie où le jeune Eddie et ses parents emménagement en 1953. Passionné de musique, il prend des cours de piano et parfait son apprentissage de la guitare en écoutant des morceaux de country à la ra­dio. Style musical dont il va largement s'inspirer pour ses compositions. Dès 15 ans, Cochran se produit sur une scène locale. Puis à 17 ans, il forme son pseudo duo familial avec Hank, avant d'entamer une carrière solo. 
 Cochran décroche tout d'abord un petit rôle dans The Girl Can't Help It (La Blonde et moi en vf) grâce à Boris Petroff, le producteur du film. Il y interprète avec grand succès le percutant Twenty Flight Rock (1956). Son style et son talent font mouche auprès des producteurs qui décident alors de sortir le titre en single via le label Liberty. Eddie voit ainsi sa popularité s'étendre au-delà de son pays d'origine pour traverser l'Atlantique. 

Paul & John

Si un tel morceau fait vite autorité, c'est grâce à la qualité de l'interprétation de l'ado de 17 ans qui séduit avec sa voix – déjà – grave, et douce à la fois. L'Américain impressionne aussi par la qualité de son jeu. C'est d'ailleurs une innovation technique particulière qui va lui permettre de s'extraire du lot et influencer toute une généra­tion de rockers.
Contrairement aux autres guitaristes, Eddie Cochran choisit de détendre sa troisième corde. « C'est l'un des moments charnières de l'histoire de la guitare » selon le producteur et musicien Binky Philips. En effet, grâce à cette astuce, Ed­die produit un son avec plus de teintes qui inspire les jeunes guitaristes comme Paul McCartney. Âgé de 15 ans, celui qui n'était pas encore Sir, apprit par coeur Twenty pour impressionner le leader des Quarrymen, un petit groupe local. Paul venait alors de faire la connaissance de John Lennon.
Sans le savoir, l'Américain, à peine plus vieux que les deux jeunes anglais, a donc contribué à la formation du plus grand groupe du monde. Et le temps d'un unique album et de quelques singles, Cochran a eu l'occasion d'inspirer bon nombre de musiciens dans les décennies suivantes.
 
 



Summertime

En 5 ans de carrière, Cochran a enregis­tré plusieurs chansons mais n'a sorti qu'un seul LP de son vivant : Singin' To My Baby. L'album de ses 18 ans parvient alors à se hisser à la 18e place des charts en 1957. Il enchaine par la suite de multiples sorties de singles dont Summertime Blues et C'mon Everybody en 1958. Classés respectivement 8e et 35e des ventes, ces deux titres sont une vraie réussite. Pourquoi ? Pour deux rai­sons très simples : la qualité de la musique et des paroles. Qui peut, si ce n'est un jeune homme à peine sorti de l'adolescence, écrire des paroles pouvant toucher une jeunesse en manque de liberté ? Cochran gagne sur les deux fronts en faisant à la fois danser, et rêver, ceux qui achètent ses disques avant de les jouer eux-mêmes sur scène.
un live à écouter !
Ainsi, Summertime figure dans le presque parfait Live at Leeds des Who en 1970, et plus récemment sur le single 10 A.M. Automatic des Black Keys. Notre Johnny national en fit même une version française, La fille de l'été dernier, en 1975. C'est dire ! L'autre tube de 58, C'mon Everybody, est notamment joué par Led Zeppelin en concert (live au Royal Albert Hall, 1970), Sid Vicious et bien d'autres. Symboles de reconnaissances, ces reprises montrent bel et bien l'in­fluence concrète de Cochran sur ses successeurs, comme Slim Jim Phantom.
Le batteur de Stray Cats (un groupe rétro) voit d'ailleurs une influence directe de Cochran sur des groupes modernes comme Motörhead. « Quand ils (les auditeurs) écoutent Ace of Spades, ils écoutent du Eddie Cochran », assène-t-il sûr de lui.
Cette tendance des groupes anglais à jouer ces deux tubes prouve le succès de Cochran auprès des jeunes de la Perfide Albion. Un succès qu'il a confirmé en se produisant assez vite de ce coté-ci de l'Atlantique dès 1960, l'année de son décès. 
 
 La loi des séries

Eddie et Gene Vincent
Cochran arrive en Angleterre alors que Lennon et McCartney songent déjà à se rendre à Hambourg (août 1960) en tant que Beatles. Mais depuis la mort de ses amis Buddy Holly et Ritchie Valens dans un accident d'avion début 1959, Eddie est préoccupé par une prémonition morbide. Il est persuadé d'être le prochain sur la liste. Hélas, le destin lui donnera raison le 16 avril 1960.
Sur la route entre Bristol et l'aéroport de Londres, le taxi transportant Eddie, sa fiancée Sharon Sheeley et son grand ami Gene Vincent, s'écrase contre un réverbère d'une route du Wiltshire (sud-ouest anglais). Selon les enquêteurs, l'excès de vitesse du taxi aurait causé l'éclatement d'un pneu et provoqué la perte totale de contrôle du véhicule. Au moment de l'accident, Cochran, placé au centre de la banquette arrière, aurait protégé, tel un bouclier, sa fiancée avant d'être éjecté de la voiture. Il fut conduit à l'hôpital de Bath où son décès fut prononcé quelques heures plus tard, le 17 avril. L'accident avait provoqué d'importants, et incurables, traumas crâniens.
Plus qu'une source d'inspiration pour les autres, et malgré un sort tragique et injuste, Eddie Cochran restera la premier adolescent à arriver au rang de star. Le premier d'une longue série produite par le système américain, mais certainement le plus talentueux. Que le passé a du bon.

lundi 3 juin 2013

Réflexion sur le "Racaille Football Club" de Daniel Riolo

Co-animateur de l'After Foot sur RMC avec Gilbert Brisbois depuis 2006, Daniel Riolo vient de sortir "Racaille Football Club" (éd. Hugo&Cie) dans lequel il tente de décrypter la situation du football français, et surtout, en France. Plus que son analyse, c'est la comparaison avec la NBA qui a retenu mon attention.

Le livre en question. 16,95 €

En un peu plus de 200 pages, Daniel Riolo tente de comprendre pourquoi le football français est à la dérive depuis tant d'années. Une descente aux enfers principalement due à la "ghettoïsation" des joueurs hexagonaux, et à la mauvaise gestion des dirigeants. Mais dans cette masse d'informations, que l'animateur a pu développer en filigrane tous les soirs à la radio depuis plusieurs années, au fur et à mesure que les joueurs accumulaient de piètres résultats, et surtout, des comportements indignes de leur rang, c'est surtout la comparaison avec la NBA qui a fait tilt dans ma tête.
En effet, tout comme les footeux de Ligue 1, la majorité des basketteurs américains sont issus de milieux pauvres et/ou populaires. Dans son livre, le journaliste explique que la ligue américaine a mis au pas ses joueurs à coup d'amendes salées et de cours de communication. Des résolutions plutôt payantes puisque les "bad buzz" se font de plus en plus rare. Mais, tout ceci n'est pas seulement dû à la NBA.

Jeunes et fous ...

La NBA et la NFL (foot us) sont les deux ligues majeures américaines où (d'après ce que j'en ai vu) il y a le plus de Noirs. Bien entendu, ils ne sont pas tous issus de "quartiers" mais cela représente une grande majorité de joueurs.
Vers 22-23 ans, ils (une élite) passent pro et signent des contrats mirobolants qui feraient rêver l'UNFP et tous les joueurs de Ligue 1. Si la majorité des joueurs - à l'image de Dennis Rodman et Scottie Pippen - font faillites en moyenne 5 ans après leur retraite (lire ici), beaucoup d'entre eux ne font pas d'esclandres tout au long de leur carrière. Pourquoi ? Car ils se lâchent à la fac.
Dans ces deux sports (et surtout en NFL, où il est impossible de passer outre l'université), les joueurs passent 2-3 ans à la faculté - sauf rares exceptions comme Kobe Bryant ou LeBron James. Là-bas, ils se la "donnent", comme on dit. Les stars de l'école font la fête et entrainent les pom-pom girls dans les coins sombres de l'appart' où se déroule la "party". Bon, je caricature un peu mais dans l'idée c'est un peu ça. Au lieu d'être enfermés dans un centre de formation entre garçons, les Américains sont donc lâchés au milieu des petites étudiantes. Ce qui n'est pas tout à fait la même chose.

... mais étudiants avant tout

Que ça soit dans une grande université, ou une fac de seconde zone, les jeunes en formation assistent également à beaucoup de cours. Si une quarantaine de gars constituent une équipe en football us, seuls 1 ou 2 iront en NFL où ils ne feront pas forcément carrière. Il est donc impératif pour tous ces jeunes d'aller en cours et, à défaut d'être de bons élèves, de fréquenter et d'écouter des gens intelligents qui les aideront à se cultiver un minimum.
Les études supérieures ont donc le mérite de changer l'univers de ces jeunes sportifs. Ils se retrouvent ainsi dans des milieux radicalement différents de ceux qu'ils fréquentaient auparavant dans leur adolescence. Et c'est dans ce magnifique contexte scolaire, que les apprentis footballeurs et basketteurs apprennent très tôt ce qu'est le haut niveau.

Les meilleures ligues du monde

Au-delà des punitions et autres amendes, ce qui fait avant tout la force des ligues nord-américaines : c'est le niveau de jeu. En effet, si les "petits prodiges" de Ligue 1 lorgnent sur les pelouses plus vertes de Premier League anglaise, leurs congénères américains savent qu'ils se dirigent vers les meilleures ligues du monde, où déloger les stars en présence est loin d'être simple.
Tout rebelle qu'il est, comment un jeune joueur peut-il envoyer balader un Bryant ou un Tim Duncan ? C'est impossible. Et je n'ose imaginer une telle situation en NFL où le jeune effronté risquerait de subir les rudesses de l'entrainement.

Donc, au-delà de la pression de la ligue, c'est surtout l'éducation et le niveau de jeu exigé par des propriétaires puissants et des coachs exigeants, qui pousse les joueurs "difficiles" à changer de caractère, puis endosser le costard et l'attitude que les clubs attendent d'eux.